Au moment où Enfanteau nous quitte se pointe L’enpoule, une fille avec une crête rouge au sommet du crâne. Elle s’entiche immédiatement du nourrisson.
– Qu’il est mignon ! D’où vient-il ?
– Il était dans une chambre de la nurserie. Je me demande quels gènes d’animal il porte en lui.
– Je dirais des gènes de félin, intervient L’enchien en reniflant la peau du petit.
– J’admire ton flair, s’exclame L’enpoule.
Subitement, son visage se ferme :
– Je vous signale quand même que, si on ne le ramène pas à la nurserie, on s’expose à de graves punitions.
Je m’interpose :
– Il a toute la vie devant lui pour s’ennuyer dans le centre. On va lui offrir un après-midi de rêve.
Rêve… Ce dernier mot résonne fort dans nos têtes. L’enchien renchérit :
– « Bientôt, vous pourrez sortir et vivre comme nous », disent les médecins. Tu parles ! Cela fait des années qu’ils nous chantent la même chanson… Et rien ne change. Personnellement, pendant la seule journée que j’ai passée à l’école du village, les enfants humains ont voulu m’obliger à aller chercher les bâtons qu’ils lançaient dans la cour. Ils me disaient que si je ne les rapportais pas, je n’aurais pas de bonbons. Les vauriens ! Ils me traitaient de « sac à puces ».
– C’est normal, dit l’enpoule. Tu passes ton temps à te gratter l’oreille.
L’enchien fronce les sourcils et lui envoie :
– Tu devrais changer ton nom, L’enpoule.
– Ah oui ? Pourquoi ?
– Parce que tu n’es pas une lumière.
– Je ne vois pas le rapport.
– Alors je vais t’éclairer : L’enpoule…l’ampoule….la lumière…
La fillette à crête s’emporte :
– Tu n’as pas intérêt à répéter ça.
– Tu rigoles ? Tout le monde est au courant.
– Très drôle…Puisque c’est comme ça, je vais prévenir les infirmiers que vous avez enlevé le petit.
Je laisse échappé un grondement… et la retiens par le bras.
– Si tu nous dénonces, je te fais avaler ta crête.
Tous ceux du centre savent jusqu’où je peux aller quand je m’énerve. L’enchien intervient avant que la situation dégénère. Il saisit L’enpoule par le coude et s’éloigne avec elle.
– Viens… Je vais te montrer comment on tape dans un ballon.
– Je n’ai pas envie…
– Viens, je te dis. Laisse L’enlouve tranquille.
Ils se dirigent tous les deux vers les buts, tandis que j’essuie le filet de bave qui s’échappe de ma bouche. Je salive chaque fois que je me retiens d’attaquer.