Je reconnais la voix d’Enfanteau. Je sors de ma tanière avec le nourrisson dans mes bras et lui demande :
– Tu as fini avec le médecin ?
– Oui. Et je n’arrête pas de penser au petit.
– L’enchien a dit qu’il s’agissait d’un hybride humain-félin. Alors on l’a appelé « L’enfélin ».
Enfanteau se penche et écarquille les yeux.
– Je peux le porter ?
– Oui…bien sûr…
Je connais ses problèmes de santé mais pour rien au monde je ne l’empêcherais de tenir mon protégé. Je prends juste des précautions en passant mes bras sous les siens.
– Il est… vraiment beau, murmure Enfanteau.
Je comprends son soupir et précise :
– Son visage est encore celui d’un humain, mais il va sûrement évoluer. Je voudrais continuer à m’occuper de lui. J’espère que le centre me fera confiance. Cela me rendrait tellement heureuse.
Qu’est-ce que tu en penses ?
Enfanteau pose l’extrémité de sa trompe à l’emplacement du cœur du bébé. De longues secondes s’écoulent. Je m’inquiète.
– Enfanteau ? Tu ne dis rien ?
Il caresse le bout de chou, puis se gratte la trompe. J’attends son verdict.
– Alors ?
– Je vous ai vus ensemble dans le futur.
– Ah ! Je le savais.
– Mais les humains ne doivent pas apprendre que tu l’as approché.
– Comment ça ?
– Ramène-le dans la nurserie.
– Tout de suite ?
– Oui. Tout de suite.
– Pas question !
– Ecoute-moi, L’enlouve. Je sens que le bébé veut revenir dans sa chambre. Alors voilà… je te conseille de le ramener. Maintenant, je dois te laisser.
Et il s’éloigne vers les dortoirs, avec son pantalon un peu trop long pour lui.

Je reste seule, le petit dans mes bras.
– Enfanteau nous a « vus » plus tard ensemble, lui dis-je. C’est le plus important !
Je me faufile dans le bosquet en le portant contre moi. J’évite de piétiner les fleurs et avance jusqu’au bâtiment de la nurserie. Je saute sur le balcon du premier étage. Il n’y a personne à l’intérieur de la chambre, je peux y aller. Je couche L’enfélin dans son lit. Il semble fatigué. Je dépose une bise sur son front et lui souffle à l’oreille :
– A bientôt, mon trésor…
Avant de le quitter, je le regarde s’endormir. C’est la première fois que je donne tout mon amour à un petit. Je me sens toute drôle. Jamais je n’avais imaginé qu’autant de douceur sommeillait en moi.